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  • Photo du rédacteurAlain SUPPINI

MES RÉSEAUX SONT-ILS VRAIMENT SOCIAUX?

FACEBOOK, TWITTER, INSTAGRAM, TIK TOK, SNAPCHAT NE SONT PAS FORCÉMENT NOS AMIS.

La science nous apporte quelques bonnes nouvelles qui valent la peine d'être cajolées: elle montre en effet que s'embrasser, se câliner, se blottir l'un contre l'autre et se tenir la main produisent plus que de simples moments magiques. Ils peuvent en fait améliorer la santé globale, vous aider à perdre du poids, à abaisser votre tension artérielle, ou encore à combattre la maladie [1]. Et si vous n'avez pas d'ami(e) câlin(e) humain(e), eh bien tans pis! Il a été démontré que se blottir avec des animaux de compagnie produit des résultats similaires.

Et cette même science nous apprend également que derrière la puissance des câlins existe une hormone appelée ocytocine [2].

Cette hormone a été particulièrement étudiée dans le lien mère-enfant qu'elle joue: associée à l'accouchement et à la lactation, la technique du peau-à-peau consistant à poser le nouveau-né nu sur la poitrine également nue de la maman ou du papa, permet d'apaiser le bébé, de favoriser les liens affectifs et d'entretenir une bonne lactation [3]

Parfois appelée "l'hormone des câlins" ou "l'hormone du bien-être", l'ocytocine est produite par l'hypothalamus et libérée par l'hypophyse lorsque nous sommes physiquement affectueux, produisant ce que certains décrivent comme des sensations de chaleur, des sentiments de connexion, de liaison et confiance. Et autre caractéristique déterminante, plus vous libérez d'ocytocine en étant affectueux, plus vous avez envie de vous étreindre, de vous toucher et de vous tenir la main. C'est un effet boule de neige qui peut engendrer de grandes choses non seulement pour des relations significatives, mais aussi pour votre bien-être personnel à long terme et votre santé globale.

À l'inverse, un contact physique indésirable peut avoir l'effet contraire en augmentant les niveaux de cortisol et des autres hormones de stress. En effet, les effets du toucher physique ou de l'étreinte ne sont positifs que chez ceux qui ont une relation bienveillante et non des attouchements indésirables [4].

Dans une vie équilibrée, le cerveau produits 3 hormones de bien-être dont nous avons besoin et qui sont enfermés au plus profond de celui-ci [5]:

- la dopamine: c'est un neurotransmetteur qui aide à contrôler les centres de récompense et de plaisir du cerveau. La dopamine aide également à réguler le mouvement et la réponse émotionnelle, et elle nous permet non seulement de percevoir les récompenses comme telles, mais aussi de prendre des mesures pour aller vers elles.

- la sérotonine: elle est responsable du maintien de l'équilibre de l'humeur et son déficit conduit à la dépression.

- enfin l'ocytocine, sans doute la plus puissante des 3, qui régule l'interaction sociale et la reproduction sexuelle, jouant un rôle dans les comportements allant du lien mère-enfant à l'empathie, la générosité et l'orgasme.

C'est le trio puissant des bons sentiments, les "créateurs de bonheur" diront même certains.

L'OCYTOCINE DE NOS ANCIENS


Sur le plan de l'évolution, nos ancêtres comptaient sur l'ocytocine pour fortifier et créer des relations étroites les uns avec les autres, procréer et construire des communautés basées sur la survie ainsi que pour former de solides alliances.

Ils avaient tendance à vivre en communauté, avec de nombreuses occasions de contacts physiques et sociaux. Les liens sociétaux solides ont été créés à travers ces interactions physiques répétées, augmentant ainsi toujours plus les niveaux d'ocytocine dans les groupes. Des relations étroites se créaient et se fortifiaient, des communautés fondées sur la survie se construisaient, de même que de solides partenariats romantiques se formaient. Ce cercle vertueux perpétuel baignant les individus dans l'ocytocine était le socle neurobiologique du ciment de ces sociétés ancestrales.

Aucune étude scientifique n'a bien sûr été menée au sein de ces sociétés passées, par contre les nombreuses études menées sur les animaux et les êtres humains modernes constituent des preuves scientifiques indirectes des ces données. Les relations sociales ont toujours été vitales pour le bien-être et la santé physique et mentale. Une quantité importante de recherches dans des modèles animaux ainsi que chez l'homme ont ainsi montré que l'ocytocine joue un rôle important dans le développement de la capacité à former des liens sociaux, la médiation des aspects positifs de l'éducation précoce sur la capacité de liaison adulte, et le maintien du lien social [6].

L'ARRIVÉE DES RÉSEAUX SOCIAUX


Les réseaux sociaux ont bouleversé la manière dont nous communiquons et interagissons aujourd'hui les uns avec les autres. D'un coté, ils offrent de nombreux avantages en matière de connexion et de communication, de l'autre, ils vont affecter nos relations et nos contacts humains.


L'un des principaux avantages des réseaux sociaux est la possibilité de se connecter avec des personnes du monde entier, indépendamment de leur localisation géographique. Cette capacité à se connecter avec des personnes que l'on n'aurait pas rencontrées autrement peut conduire à des amitiés et des relations qui autrement n'auraient pas existé. Ils permettent de nouer des contacts avec des personnes partageant les mêmes intérêts, passions et objectifs, ce qui peut renforcer les relations humaines et les rendre plus enrichissantes. De plus, ils permettent une communication instantanée et en temps réel, ce qui facilite la mise en contact et la collaboration avec des personnes ayant des compétences ou des connaissances spécifiques. Les réseaux sociaux peuvent aussi être un moyen de communication instantanée, permettant des conversations en temps réel avec des amis et des membres de la famille, même s'ils se trouvent à l'autre bout du monde. Ils peuvent être une source d'inspiration pour améliorer la santé, car ils peuvent fournir des informations sur les dernières tendances en matière de régime alimentaire, de remise en forme et de bien-être. Ils sont également des plateformes pour les innovateurs et les entrepreneurs, offrant des opportunités de collaboration et de partenariat.

À l'inverse, les réseaux sociaux présentent des inconvénients qui peuvent nuire aux rapports et contacts humains. Tout d'abord, ils peuvent avoir un impact négatif sur la santé mentale, en particulier lorsque l'on y passe trop de temps, les utilisateurs se sentant alors isolés et déconnectés de la réalité. Ils peuvent également créer des dépendances, les utilisateurs ont ainsi du mal à s'éloigner de leur smartphone ou de leur ordinateur, au détriment de leurs relations interpersonnelles en limitant le temps et l'attention qu'ils accordent aux personnes qui les entourent dans le monde réel. Passer trop de temps sur les réseaux sociaux peut avoir des effets désastreux sur la santé mentale et émotionnelle, générant de l'anxiété, de la dépression et un isolement social parfois total. En effet, ils peuvent donner aux utilisateurs une fausse impression de connexion et d'interaction, les baignant dans un monde où les relations se construisent facilement, bien loin de la réalité qui impose souvent comme un défi le maintien d'une relation durable. Avec l'unique communication en ligne, la dépendance conduit à une diminution de l'empathie et de la compassion, l'individu est de moins en moins préoccupé par les sentiments des autres, uniquement centré sur la satisfaction de son ego qui finit par prendre tout l'espace et accaparer toutes ses pensées. La discrimination entre les "bons" et les "méchants" est elle aussi d'autant plus absente que les faux profils et la désinformation sont de plus en plus courants: ceci conduit inévitablement à une perte de la confiance et de la crédibilité des interactions en ligne, ce qui est le contraire même d'une civilisation où les groupes sociaux se forment, croissent et embellissent grâce justement aux valeurs de confiance et de foi en l'autre.

Une grande étude parue dans le BCM psychiatry en janvier 2023 [7] réalisée auprès de 745 étudiants universitaires a révélé "un rôle médiateur central de la dépression, de l'anxiété et du stress dans la relation entre la dépendance aux nouvelles technologies et la schizotypie."

Le trouble de la personnalité schizotypique se caractérise par un inconfort intense et omniprésent envers les relations interpersonnelles et une capacité réduite à les établir ou les entretenir, par des façons de penser et des perceptions déformées, ainsi que par un comportement différent de celui du groupe auquel l'individu appartient [8].

En clair, ce que nous révèle cette étude, c'est que l'utilisation des nouvelles technologies (internet, smartphone et réseaux sociaux), lorsqu'elle devient compulsive et addictive, a clairement le potentiel de déclencher des troubles de la relation à l'autre, par le biais de la dépression, de l'anxiété et du stress qu'elles sont susceptibles d’entraîner, en particulier chez les jeunes en construction.

Des preuves croissantes soutiennent les effets négatifs de l'utilisation addictive de la technologie numérique sur la santé physique et mentale humaine. Être accro à la technologie a des répercussions sur les capacités et les habitudes d'un jeune, ainsi que sur son comportement social. Il interfère avec les activités quotidiennes, le travail scolaire et les performances académiques. Surtout, la dépendance technologique influence négativement le fonctionnement émotionnel et social des utilisateurs, générant l'apparition de pathologies telles que la dépression, l'insomnie, l'hyperactivité, les déficits de l'attention et les troubles d'anxiété sociale.

Et on sait que tous ces états sont sous-tendus par des désordres neuro-endocriniens de mieux en mieux connus: augmentation des hormones du stress, cortisol, noradrénaline et adrénaline en particulier, et à l'inverse déficit en hormones "du bonheur", dopamine, sérotonine, endorphines et ocytocine.

Donc, bien qu'aucune étude scientifique formelle n'ait encore établi un lien certain entre addiction aux réseaux sociaux et désordres neuromodulateurs, les preuves indirectes s'accumulent aujourd'hui de manière de plus en plus évidentes.

EN PRATIQUE


Alors, que devrions-nous faire? Supprimer tous nos comptes de réseaux sociaux et redevenir des nomades vivant dans des grottes? Eh bien, peut-être, mais il serait bien compliqué de vivre au XXIè siècle et se priver de facto de relations avec des congénères qui, eux, les utilisent: on ne donne plus son numéro de téléphone, on tape son 06 sur le smartphone de l'autre, on ne donne plus son adresse, on donne e-mail, ou son pseudo Tik Tok, Insta ou Snap… Donc, ce qu'on peut légitimement conseiller tient en un mot: équilibre! Équilibre entre le réel et le virtuel, entre la télé et les discussions à table, entre le narcissisme des "like" de Facebook et les compliments de ses proches... Mais pour atteindre cet équilibre, encore nous faut-il redevenir propriétaire de nous-même, de nos pensées, de nos émotions et de nos décisions. Cette liberté retrouvée a cependant un prix parfois lourd à payer, celui de la désaccoutumance, du sevrage, de la "distanciation sociale" des réseaux sociaux!

Voici quelques pistes pour y parvenir:

1 - Prendre conscience de son comportement

Comme toujours, avant de vouloir changer quoi que ce soit dans son comportement, il faut tout d'abord le comprendre. Pourquoi suis-je autant sur telle plateforme? À quel(s) moment(s)? Comment est-ce que je me sens? Est-ce que j’éprouve du plaisir? De l’anxiété? De la culpabilité? Pourquoi est-ce que je suis sur ce réseau? Pourquoi en ce moment même? Est-ce par ennui? Par procrastination?

À chacune de ces questions, il est important d'apporter et noter précisément les réponses.

2 - Analyser son comportement grâce à des outils

Quel que soit le système utilisé (IOS, Android, ou autre), il existe des applications permettant de mesurer et analyser le temps passé sur un écran et les réseaux qui sont le plus utilisés. Elle permettent de voir le temps d’écran quotidien, le nombre de fois que le téléphone a été déverrouillé, le temps passé sur chaque application, la quantité de notifications par application et quantité d'autres statistiques intéressantes.

Il existe même des options permettant des limites de temps d’écran et des paramètres de contrôles: se donner certaines limites peut représenter une première étape très intéressante du sevrage des réseaux sociaux.


3 - Se demander ce qu’on désire changer

Alors que vous utilisez déjà des stratégies pour être moins sur votre téléphone, votre temps d’écran démontre que vous avez encore une marge de progression.

En vous posant des questions sur votre comportement, vous vous rendez compte, par exemple, que vous passez du temps sur votre smartphone essentiellement lors de vos temps de repos, et que vous ressentez de la culpabilité à "perdre du temps" sur les réseaux sociaux. Vous constatez que ce qui vous dérange, ce n’est pas tant le fait d'être sur votre smartphone que le fait de perdre votre temps en futilités au détriment d’activités plus stimulantes. Dès lors, pourquoi ne pas essayer d'oublier votre téléphone en attendant le bus ou le métro, lorsque vous prenez une pause de travail, lorsque vous attendez que votre riz cuise, etc... Lorsque vous êtes aux toilettes, revenez-en aux bonnes vieilles lectures du temps que les moins de 20 ans n'ont pas connu!

4 - Désactiver les notifications superflues

Quelqu'un vient d'ajouter un "j'aime" à votre dernière photo Instagram? Avez-vous un besoin vital de savoir de qui il s'agit immédiatement? Non! Désactivez-moi ça tout de suite!

La conversation des 36 personnes de votre groupe Messenger ne vous intéresse plus comme au début? Eh bien, quoi de plus simple de mettre les notifications en sourdine; au lieu d'avoir l'attention détournée cent fois par jour par des remarques pas forcément pertinentes, vous décidez vous-même quand revenir lire le fil de la conversation: vous redevenez propriétaire de vous-même!

Dans le même ordre d'idées, n'hésitez pas à ranger votre smartphone. Le simple fait de ne plus l'avoir en main ou posé devant soi change beaucoup de choses: laissez-le à la maison pour faire les courses ou pour aller au cinéma, rangez-le dans le sac à dos en promenade, mettez-le en mode avion quand vous conduisez… Redevenez propriétaire de votre temps!

5 - Arrêter de publier du contenu

Bon d'accord, vous aimez créer du contenu, faire rire, dire ou répondre à des bêtises, et sur votre compte Instagram, vous avez chaque photo de chacun des plats que vous mangez, c’est votre album photo personnel et vous adorez ça!

Eh bien, demandez-vous à quel point tout cela intéresse vos 750 "followers"… Et si elle se fend d'un facile "j'aime", cette belle personne qui semble habiter à 3000 km et 5 fuseaux horaires de vous le pense-t-elle vraiment?

Plus vous publiez du contenu, plus vous aurez de notifications, plus vous devenez accro, et plus vous publiez. En diminuant votre fréquence de publication, vous garantissez que votre contenu est plus réfléchi, plus à votre image et votre temps d’écran est d'autant moins important.

6 - Supprimer les applications chronophages

Dans votre cas, avez-vous besoin de Facebook? Messenger, oui. Facebook, non. Supprimez-la de votre smartphone et acceptez de n'y accéder que par le biais de votre ordinateur personnel (pas celui du boulot!).

Vous vous connecterez donc de moins en moins et quand vous le ferez sur votre ordinateur, vous ferez un tour de votre fil d'actualités puis ciao bye bye!

7 - Oser se désabonner

C'est le plus compliqué, on doit jeter à la poubelle parfois des années d'écriture et de lecture passionnantes, de photos toutes plus marrantes les unes que les autres! En plus, tout est prévu pour que la procédure soit la plus compliquée possible: 6 mois sans interaction sur certains réseaux, 3 mois de délai de réflexion après le désabonnement de certains autres… Un peu comme si ton conjoint te rapportait des courses une cartouche de tes cigarettes préférées, ou une bouteille du meilleur vin chaque jour de ton sevrage.

Non! Il faut tenir, il faut de la volonté, il faut être aidé, par ses proches mais parfois aussi par des associations… Oui, vous êtes dépendant et la dépendance nécessite un sevrage véritable!

8 - Varier ses sources de divertissement

Que ce soit sur mobile ou dans la vraie vie, il y a beaucoup de sources de divertissements. En répondant aux questions de l’étape 1, vous vous êtes peut-être rendu compte que ce qui vous gênait le plus, c’était d'être instinctivement sur votre smartphone à chacun de vos temps de repos. À la maison ou avec vos amis, vous êtes plus rarement sur votre écran, mais quand je vous prenez le bus ou que vous êtes dans une salle d’attente, vous sortez votre téléphone et vous "scrollez" instinctivement.

Là aussi, essayez d'en revenir à la bonne vieille lecture, et on vous autorise même la liseuse électronique! Sinon, essayez juste de vivre et apprécier le moment présent, de regarder autour de vous: les paysages sont beaux et les gens pas si inintéressants. Essayez! Le Graal n'est peut-être pas inatteignable.

10 - Tirer des bilans régulièrement

C’est cool tous ces efforts pour être moins sur votre téléphone, mais s’ils ne mènent à rien, ça ne sert à rien. Un diagnostic régulier permet de faire le point sur son utilisation et les progrès que vous faites. N'oubliez pas que votre cerveau, en plus de l'ocytocine, a aussi besoin de la dopamine, son hormone de la récompense. Rien de mieux que des bilans positifs régulier pour en augmenter le niveau!


"Pour vivre heureux, vivons cachés" pensait le papillon de la fable. Sans entrer dans une vie d’ermite, prendre de la distance avec les nouvelles technologies ne peut sûrement pas nous faire de mal. Évitons en particulier de laisser les bons esprits régnant sur ces réseaux dits sociaux se substituer à notre propre pensée, et méfions-nous de ChatGPT!


Alain SUPPINI

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