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  • Photo du rédacteurAlain SUPPINI

LE MICROBIOTE INTESTINAL: 2ème partie.

QUELLES SONT LES MALADIES ASSOCIÉES À LA DYSBIOSE INTESTINALE?

Le microbiote intestinal offre de nombreux avantages à l'hôte, tels que la formation ou la réparation de l'épithélium digestif, la récolte d'énergie, la protection contre les agents pathogènes et la régulation de l'immunité. À l'inverse, ces mécanismes peuvent être perturbés en raison d’une altération de la composition microbienne, et on parle alors de dysbiose: le rôle du microbiote dans un grand nombre de maladies intestinales et extra-intestinales est ainsi devenu de plus en plus évident.

Après avoir évoqué dans une première partie [1] la composition et la physiologie du microbiote intestinal, nous verrons dans cette seconde partie, les maladies associées à la dysbiose et leurs différents traitements.


Si certaines maladies sont secondaires à une dysbiose, cette dernière peut à l'inverse être causée par certains événements de santé.


Les maladies intestinales:


Les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), telles que la maladie de Crohn et la Rectocolite Hémorragique, sont liées à une activation inappropriée du système immunitaire dans l’intestin. Le rôle du microbiote a d'abord été évoqué devant l’amélioration des symptômes de patients sous traitement antibiotique, ou au contraire de la disparition des signes chez des personnes dont l'intestin est mis au repos, par exemple grâce à une dérivation digestive.

Des dysbioses associées aux MICI sont caractérisées par une diminution de certaines bactéries "protectrices", en même temps qu'une augmentation de certaines autres bactéries pro-inflammatoires. Ces déséquilibres sont à la fois cause et conséquence de la maladie: la dysbiose survient du fait de facteurs génétiques et environnementaux, puis elle joue ensuite un rôle dans le déclenchement et la sévérité de l’inflammation.


Quels traitements?


De plus en plus aujourd'hui, la prise en charge de ces maladies associe des traitements médicamenteux déjà utilisés et des techniques agissant directement sur le microbiote. Parmi ces dernières:

- La transplantation fécale: elle consiste à prélever un échantillon de microbiote normal, à partir de selles de sujets sains, puis de l'instiller à une personne malade.

Il s'agit déjà d'un traitement très utilisé dans des maladies telles que la colite pseudo-membraneuse [2][3], et les résultats dans le traitement des MICI [4] paraissent également très encourageants.

- une seconde voie de recherche a également fait l'objet de nombreuses études: celle des probiotiques [5]: il s'agit de micro-organismes, du type bactéries ou levures, capables lorsqu'on les absorbe de modifier la composition du microbiote intestinal du patient pour en améliorer et en équilibrer la qualité.

Cependant, les essais cliniques qui ont évalué le bénéfice de probiotiques "conventionnels", issus de la fermentation, n’ont pas été concluants.

La recherche s’oriente donc aujourd'hui vers l’utilisation de probiotiques modernes, prélevés directement dans le microbiote de sujets sains et surtout ciblés pour leurs effets biologiques spécifiques. Ces bactéries dont l’intestin est l’habitat naturel, induiront ainsi des effets plus précis et plus puissants.

Enfin les recherches les plus modernes se tournent aujourd'hui vers la génétique, en tentant de créer des probiotiques modifiés, susceptibles d'acquérir ainsi des propriétés supplémentaires, telle que la sécrétion d'immunomodulateurs.

- La dernière voie de recherche, encore plus pointue, vise à utiliser les postbiotiques, qui ne sont autres que les métabolites (les composés produits lors du métabolisme) des probiotiques.


Les maladies cardiovasculaires (MCV):


Lorsque l'on parle de MCV, on parle de l'ensemble des pathologies touchant le cœur et les vaisseaux (coronaropathie, insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, athérosclérose, accident vasculaire cérébral...), mais également des pathologies dites "cardio-métaboliques" (diabète, obésité, dyslipidémies...), c'est à dire dont l'impact cardiovasculaire a été démontrée depuis très longtemps.

Leur origine multifactorielle, (hérédité, nutrition, facteurs environnementaux...) est bien connue. Mais aujourd'hui, le rôle du microbiote intestinal est de plus en plus reconnu [6]: expérimentalement, on a pu démontrer par exemple que l'implantation d'un microbiote de souris obèse chez une autre souris déclenche une prise de poids rapide de cette dernière; de même, la prise de certains antibiotiques au long cours, en altérant le microbiote intestinal, est susceptible d'induire des problèmes cardiovasculaires [7].


Quels sont les mécanismes impliqués?


- dans l'obésité ou le diabète, l'inflammation chronique liée à l'augmentation des graisses de l'alimentation permet à certaines bactéries pathogènes de se développer, puis de produire des endotoxines, qui à leur tour vont favoriser obésité et diabète [8].


- certains déchets bactériens ont également été désignés comme favorisant la formation de plaques d'athérome [9].


- enfin, en cas d'altération de la paroi intestinale observée dans certaines dysbioses, on peut observer le passage de bactéries entières qui vont s'implanter de manière durable dans les tissus adipeux, musculaires et hépatique, participant au maintien de l'inflammation chronique.


Les traitements.


- Le régime alimentaire: un régime riche en fibres permet d’accroître la flore commensale aux dépends des bactéries pathogènes, de même qu'un régime pauvre en lipides et riche en protéines permet d'améliorer la richesse du microbiote.


- Le prébiotiques, probiotiques et antibiotiques:

Les prébiotiques sont des molécules qui visent à favoriser le développement de bactéries "bénéfiques" et d'améliorer ainsi certaines fonctions du microbiote intestinal. Ils permettent en particulier une perte de poids et une meilleure tolérance au glucose.

Concernant les probiotiques, comme nous l'avons vu plus haut, ils vont permettre une meilleure métabolisation des glucides et des lipides, diminuant ainsi l'incidence du diabète et de l'obésité.

Enfin, pour les antibiotiques, leur absence de spécificité rend leur usage compliqué, et constituent encore des voies prometteuses de recherche.


- La transplantation fécale: ici aussi des essais ont été conduits chez des patients obèses ou atteints de syndromes métaboliques, et la recherche semble encourageante.


Les maladies neurologiques:


Le système nerveux qui gouverne le tractus digestif comprend pas moins de 500 millions de neurones en interaction étroite avec le système nerveux central: c'est la raison pour laquelle on qualifie ce système nerveux digestif de 2è cerveau [10].

De manière évidente, tout déséquilibre du microbiote, en modifiant les informations fournies à ces deux systèmes, modifie ainsi le fonctionnement des organes de l'ensemble du corps humain.


Les maladies neurodégénératives:


- dans la maladie de Parkinson, la dysbiose semble être un élément précoce du développement des atteintes neurologiques [11]. En outre, la gravité des symptômes est fortement corrélée à une concentration anormale de certaines espèces de bactéries dans le microbiote des patients atteints, associée à une baisse voire une disparition de certaines autres [12].


- pour la maladie d'Alzheimer, les données scientifiques sont moins probantes, bien que des modifications du microbiote aient été constatées dans les phases précoces de la maladie.


Les troubles du spectre autistique:

Ils sont plus fréquents chez les enfants nés de mères obèses, ou ayant souffert d'une infection virale lors du 1er trimestre de grossesse.

L'implication d'une dysbiose liée à ces situations suggère qu'une amélioration des symptômes pourrait être obtenue par certaines antibiothérapies spécifiques ou par administration de microbiote sain.


Les troubles psychiatriques:

La schizophrénie, l'anxiété, la dépression ou encore les troubles bipolaires seraient également concernés par un déséquilibre microbiotique, mais les études restent partielles et les applications thérapeutiques sont encore du domaine de l'expérimentation.


Les cancers:


Nous l'avons vu, l'efficacité du système immunitaire et l'intégrité de l'intestin dépendent étroitement de la qualité du microbiote. Aussi, l'existence d'une dysbiose peut favoriser l'apparition d'un certain nombre de cancers.


Quels sont les mécanismes impliqués?


- Il peut s'agir d'un déclenchement direct: certaines bactéries, comme l'Helicobacter Pylori, peuvent être directement responsable de l'apparition d'un cancer de l'estomac [13]. Il en va de même en cas de déséquilibre du microbiote favorisant la prolifération de certaines espèces impliquées dans la survenue du cancer du colon [14]. Enfin, l'utilisation prolongée d'antibiotiques est également corrélée au risque de cancer du sein [15], du fait de la dysbiose qu'elle entraîne.


- Ensuite, les anomalies du microbiote, en diminuant l'immunité locale et l'imperméabilité intestinale, ou au contraire en activant des gènes liés à la survie de cellules cancéreuses, favorisent ainsi la progression tumorale.


- Enfin, des bactéries proliférant en cas de déséquilibre du microbiote ont été mises en évidence au sein de tumeurs elle-mêmes.


On le voit, en cancérologie également, la compréhension des mécanismes impliquant le microbiote intestinal et ses déséquilibres apporte de nouvelles pistes thérapeutiques très prometteuses, en particulier dans le domaine de l'immunothérapie.



Alain SUPPINI


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