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  • Photo du rédacteurAlain SUPPINI

NARCOLEPSIE: UN FRANÇAIS RÉCOMPENSÉ

10 ANS DE RECHERCHE D'UNE CAUSE ET D'UN TRAITEMENT.

Emmanuel Mignot, professeur à l’université de Stanford, a découvert le mécanisme en cause dans la narcolepsie, grâce à des chiens atteints de cette maladie. Une avancée majeure qui a permis le développement de traitements bientôt efficaces.

Qu'est ce que la narcolepsie?


Il s'agit d'une maladie très rare (atteignant 1 personne sur 2000 environ), mais très invalidante, qui se caractérise par:

- une somnolence diurne: le patient souffre dans la journée de brusques accès de sommeil, qui durent quelques minutes, mais peuvent survenir dans n'importe quelle condition, à n'importe quel moment et sans aucun signe annonciateur.

- une catalepsie: le tonus des muscles se relâche brusquement, provoquant des difficultés à parler et une faiblesse brutale au niveau des membres pouvant entraîner une chute sans que le patient ait pu la prévenir. Cette catalepsie apparaît souvent à la faveur d'une émotion forte, un éclat de rire, une surprise ou un accès de colère.


La narcolepsie est très difficile à diagnostiquer, les études montrant que le diagnostic n'est en moyenne fait que 4 à 7 ans après les premiers symptômes. Ce diagnostic nécessite une polysomnographie, c'est à dire l'enregistrement des phases du sommeil durant la nuit, puis des tests lors des périodes d'endormissement de la journée.

Parmi les explications données à l'apparition de cette maladie, on retrouve une prédisposition génétique, un traumatisme crânien, ou même une infection virale: la vaccination antigrippale a été à de nombreuses reprises accusée de créer les conditions d'une narcolepsie.

Cette maladie apparaît généralement entre 10 et 30 ans et perdure toute la vie.

Le traitement habituel de ces patients très handicapés dans leur vie quotidienne, consiste à tenter de leur redonner un rythme veille-sommeil correct: on les "anesthésie" durant la nuit de manière médicamenteuse, et on les réveille durant la journée grâce à des dérivés amphétaminiques.

Évidement, la qualité de vie de ces patients est loin d'être bonne: "une maladie bizarre, incroyable, mais aussi, dévastatrice, dont les patients atteints souffrent terriblement".


Les avancées déterminantes de 2 chercheurs


Le professeur Emmanuel Mignot a consacré l'essentiel de sa carrière à cette maladie. Après son diplôme en Pharmacologie Moléculaire et un spécialisation en Psychiatrie obtenue à Paris, il fait dès 1993 une carrière en Californie, au Centre de Stanford pour les Sciences et la Médecine du Sommeil.

Le chercheur étudie alors des chiens narcoleptiques, chez lesquels il recherche, avec obstination et contre l'avis de beaucoup d'autres scientifiques, un gène qui pourrait expliquer chez eux la maladie. C'est à l'époque, comme il le dit lui même, une "entreprise titanesque", car les techniques de séquençage du génome sont alors balbutiantes.

"Il y a 30 ans, cette maladie était pratiquement inconnue et personne ne l'étudiait… mais je suis devenu complètement fasciné" confie-t-il.

C'est en 1999 qu'il découvre qu'un récepteur situé sur des cellules du cerveau des chiens narcoleptiques est anormal. Comme tout récepteur cérébral, il est une véritable "serrure", qui ne s'ouvre qu'en présence de la bonne clé: et cette clé est une molécule, découverte en même temps par le Japonais Masashi Yanagisawa, qui la baptise orexine (parfois aussi appelée hypocrétine). Il s’agit d’un neurotransmetteur, produit par une toute petite population de neurones de l'hypothalamus, à la base du cerveau.

Dès la découverte de l'orexine, le Pr Mignot vérifie cette piste chez les humains: les niveaux d'orexine dans le cerveau des patients narcoleptiques sont à zéro! Or en temps normal, cette molécule est produite en grande quantité au fil de la journée, surtout en soirée, permettant de lutter contre la fatigue accumulée durant la journée.

Cette découverte va permettre de révolutionner les traitements actuels de la narcolepsie, qui pour l'instant sont encore en cours de développement . "Je suis assez fier, parce que ce que j'ai découvert est en train de faire une énorme différence pour mes patients. C'est la meilleure récompense qu'on puisse recevoir".

Un traitement vraiment prometteur

Un médicament mimant l'orexine, administré dans le cadre d'essais cliniques, produit des résultats "vraiment miraculeux", raconte le professeur Mignot. Les patients ont alors "des yeux différents", ils sont "juste réveillés, calmes", une vraie "transformation."

"Le défi reste aujourd’hui de développer la formulation délivrant la bonne dose, au bon moment. Des applications pour d’autres maladies sont aussi possibles: par exemple pour des patients déprimés ayant du mal à se lever, ou dans le coma et difficiles à réveiller", déclare le chercheur.


Sa découverte lui vaut d'être aujourd'hui récompensé par un grand prix américain, le Breakthrough Prize (prix récompensant une avancée majeure dans le domaine de la science), aux côtés du Japonais Masashi Yanagisawa, découvreur de l'orexine au même moment.


Pour autant, toutes les questions ne sont résolues. Le professeur Mignot essaie aujourd’hui de prouver que la narcolepsie est déclenchée par le virus de la grippe. Selon lui, "le système immunitaire, chargé de nous défendre contre les infections, peut se mettre à confondre les neurones produisant l’orexine avec certains virus de la grippe, et finir par les attaquer. Or une fois morts, ces neurones ne peuvent pas se renouveler, et les patients ne pourront plus produire d’orexine de leur vie".


Alain SUPPINI

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