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Photo du rédacteurAlain SUPPINI

LE BURN-OUT BIENTÔT PRÉVENU PAR LA SCIENCE MOLÉCULAIRE?

OU QUAND LE GLUTAMATE DEVIENT TOXIQUE.

Dans un article récent, les auteurs montrent que la fatigue cognitive est étroitement liée à une accumulation du glutamate dans la zone du cerveau impliquée dans les prises de décisions. L'espoir est qu'un jour soient identifiés des marqueurs moléculaires qui permettraient de "prédire" et donc traiter l’épuisement professionnel avant que celui-ci ne se déclare.

“La fatigue mentale se caractérise par un sentiment inhabituel de fatigue ou de malaise, et correspond à un épuisement rapide de l’énergie mentale que l’individu consacre à l’activité cognitive. Il en résulte une diminution de l’attention et des capacités de concentration. Les situations générant un grand nombre de sollicitations externes, ainsi qu’une surcharge de sensations, sont épuisantes. Des efforts excessifs entraînent une chute des niveaux d’énergie et rallongent exagérément la durée de récupération. Cet état affecte les capacités de l’individu à fonctionner dans son travail, ses études et ses relations avec la famille et les amis.” [1]


Cette fatigue mentale (“brain fatigue”, littéralement fatigue cérébrale), est ce que l’on nomme aujourd’hui “fatigue cognitive”.


Toute réflexion intense se traduit au final par une fatigue cognitive, conduisant l’individu à modifier son comportement en optant pour des activités plus récréatives, à faible effort avec des récompenses à court terme.


Dans un récent article de Current Biology [2], les auteurs montrent que la fatigue cognitive est étroitement liée à une accumulation de glutamate dans le cortex préfrontal latéral, qui est la zone du cerveau impliquée dans les prises de décision.


Pendant plus de 6 heures, des volontaires sains ont effectué des tâches nécessitant plus ou moins d’attention. Pour révéler la fatigue cérébrale associée à la demande de contrôle cognitif, les participants ont dû choisir entre 2 options: petite récompense / faible investissement ou grosse récompense / investissement élevé.


En plus de la performance objective, les participants ont également été invités à évaluer leur niveau subjectif de fatigue sur une échelle de notation.


Les résultats ont montré que leur fatigue cognitive était associée à une préférence pour des options impliquant le moins d’effort.


Les chercheurs ont également mesuré la dilatation pupillaire des participants, qui est un marqueur connu de la charge cognitive. Les participants ayant fait les tests les plus difficiles étaient aussi ceux dont la pupille était la plus dilatée, ce qui selon les auteurs, était significatif d’une fatigue du cortex préfrontal latéral, zone du cerveau qui prend les décisions.

Les auteurs ont ensuite utilisé une technologie permettant de mesurer la vitesse de diffusion de certaines molécules au sein du cerveau et d’en déterminer leur localisation de manière extrêmement précise, soit à l’intérieur des neurones, soit au niveau de la synapse entre 2 neurones.


Mathias Pessiglione, directeur de recherche à l’INSERM, qui a coordonné ce travail, précise “qu’après un travail cognitif soutenu, il y a une accumulation de glutamate dans les synapses de la zone du cortex préfrontal. Or cette substance, fondamentale pour l’activité du cerveau, peut être toxique à des fortes concentrations. Il y a donc un réel effet physiologique lié à la fatigue mentale.”


Selon lui, cette expérience apporte une nouvelle compréhension de la fatigue cérébrale: “jusqu’à présent, deux théories existaient pour la définir. La première la décrit comme un épuisement des ressources énergétiques du cerveau. L’autre dit que la fatigue est un signal fonctionnel sans altération physiologique, une sorte d’illusion du cerveau pour que l’on se repose. Nous apportons une troisième théorie: il y a bien une altération physiologique dans le cortex préfrontal.”


“Cette fatigue est donc un signal qui nous pousse à arrêter de travailler pour préserver l’intégrité du fonctionnement de notre cerveau.”

Et de conclure: “Pendant le sommeil, le glutamate est recapturé par les neurones et sa concentration dans les synapses diminue. En l’absence de toute autre thérapeutique efficace, le meilleur moyen actuel pour lutter contre la fatigue cognitive, est de dormir!”


Existe-t-il à cette étude originale et unique un intérêt clinique?


La réponse de Mathias Pessiglione à cette question est très intéressante [3]:

“L’accumulation de glutamate ou d’une autre substance en lien pourrait servir de signature de la fatigue cognitive. Nous espérons un jour valider des marqueurs pour détecter une trajectoire d’épuisement professionnel par exemple, dans le cas du burn-out, avant que celui-ci ne se déclare.”



Dr Alain SUPPINI

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